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A huit heures, ce soir-là, Mme Frindel n’était pas encore rentrée chez elle.

Dimanche 7 Janvier, six gros camions quitte Paris en direction de l’Alsace. Ils vont porter à la colonne Fabien, qui depuis septembre n’a pas quitté le front, les colis de Noel offerts par l’Union des Jeunes Filles Patriote de la Seine. Nous sommes trois de l’U.J.F.P. qui avons pu les accompagner et les distribuer à nos filleuls jusque dans les postes les plus avancés du front.

24 Décembre ! Réveillon ! Ces mots magiques ouvrent la porte des souvenirs… Certes, cette année, il n’est pas question de réveillon plantureux, ni de montrer une joie déplacée, alors que tant des nôtres souffrent loin de leur foyer. Pourtant, pour les enfants, qui attendent cette soirée avec impatience, pour ceux des nôtres que nous pouvons réunir autour de la table familiale, nous nous devons, malgré les restrictions, de donner à notre maison et surtout à l’arbre traditionnel le maximum de nos soins.

Lorsque devenu trésorier de l’U.F.N.M.R., nous voulûmes, avec notre président Lardennois et notre secrétaire général Huber, essayer d’obtenir un peu plus de justice pour cette catégorie d’officiers, nous parcourûmes d’abord les ministères. A la 7e Direction, une apparente compréhension accueillit nos projets, mais nous fumes soigneusement renvoyés à des chefs de bureaux que révoltait l’idée de toute modification possible ! J’ai mesuré à ce moment la faiblesse de ceux qui doivent diriger une section de ministère… Ils sont en général d’esprit ouvert, mais les bureaux restent immobilisés, dans le temps et l’espace !

La vie, les êtres changent, évoluent continuellement. Que serait ma chirurgie si j’en restais à celle que de vénérés maitres m’ont apprise voici vingt ans ! Mon métier reste une perpétuelle transformation, et j’apprendrai jusqu’à mon dernier jour. Toutes les lois particulières doivent pouvoir se modifier suivant l’évolutions des faits. Mais rapidement, pour le cas des officiers des armes passant dans le Service de Santé, il devenait évident que le ministère ne proposerait d lui-même aucune modification. Lorsque nous butons sur un obstacle, en chirurgie comme à la guerre, les deux métiers dont j’ai quelque expérience, le choix s’offre : attaquer de front et démolir, ou tourner la résistance. Une petite exploration, une reconnaissance se justifient avant la décision. Je m’adressais donc à l’autre source qui pouvait donner l’impulsion pour modifier le texte, aux parlementaires.

J’avoue avoir été agréablement surpris. La compréhension et le désir d’aboutir effectivement étaient manifestes, quelles que fut l’opinion politique de mes interlocuteurs. Tant d’homme, en apparence opposés, agissent de même manière devant les faits et les mêmes responsabilités ! Le docteur Dezanauld prit avec l’intelligence la question en main. Nous étions déjà à l’été de 1939 ; la guerre survint. Mais ce problème des armes passant dans le Service de Santé se posera à nouveau. Il mérite d’être résolu, d’autant que notre armé de 1945 ne comptait pas grand monde. Mais ceux qui se sont trouvés retardés dans leurs études, alors que les étudiants en majorité ont continué à prendre leurs inscriptions, reportant l’incorporation aussi tardivement que possible, en utilisant les possibilités des sursis. Le jour de la thèse viendra beaucoup plus tôt pour eux que pour ceux qui se sont battus. Et les anciens officiers des armes de 42-45 et les médecins auxiliaires, non docteurs en médecine de 42-45, qui seront partis faire leur devoir se trouvent à nouveau en retard sur ceux qui seront restés « pénards » dans les Universités !

Le fait est tellement vrai qu’à l’heure où j’écris, cette situation se fait déjà sentir à l’armée : nous pourrions et devrions nommer sous-lieutenant, lieutenant, des jeunes peu incorporés, mais qui ont continué leurs études. Ceux qui, depuis trois ans, les uns partis en Afrique, d’autres ayant peinés dans les prisons espagnoles, se battaient, au lieu de fréquenté les Facultés, qui peut être pendant ce temps serait devenus internes, restaient médecin auxiliaire ! Injustice flagrante et qui persistera, si les années ou de médecin auxiliaire ne sont pas ajouté à titre d’ancienneté au grade initiale d’officiers obtenu au moment de la thèse.

Le capitaine d’artillerie est tombé en 1940 au champ d’honneur. Sa dernière citation exalte son héroïsme et l’exemple qu’il a donné. Son éloge a ralenti un jour d’Assemblée de la Résistance médicale au grand amphithéâtre de la Sorbonne. Son général a déclaré qu’il perdait en lui un des meilleurs officiers d’artillerie de sa division.

Qu’un chirurgien d’élite, ancien interne de Paris, professeur à l’Ecole de Médecine de Rouen et chirurgien des hopitaux de cette grande ville, ait été tué comme capitaine d’artillerie constitue un titre de gloire pour la médecine française. Il est bon qu’elle ait ses héros, ses martyrs et que personne ne puisse chicaner le corps médical sur son courage.

Pourquoi cette mort illogique d’un chirurgien de haut rang à cette place de combattant ? Derocque, tout jeune, avait fait campagne en 1914-18 comme artilleur. Un jour, un camarade m’avait dit à l’Académie de Chirurgie : « Tu sais que Derocque a voulu passer dans le Service de Santé. On lui a dit qu’il serait d’abord médecin-auxiliaire ! Il a refusé et reste capitaine d’artillerie. » Un an plus tard, j’ai appris l’admirable exemple qu’il avait donné. Mais, dans cette mort, certains portent de lourdes responsabilités. Certains chefs du Service de Santé, n’ont rien fait pour modifier cet état des choses. Leur inertie n’a rien été à coté du mauvais vouloir des bureaux dès qu’on a voulu leur faire remuer la crasse fossilisée de leurs lois vétustes et de leurs dossiers.

En aout 1918, les étudiants en médecine encore mobilisés ont été rappelés à la Faculté. Quel aspect curieux que ces gradins du grand amphitéatre sur lesquels se pressent des étudiants dans les tenues militaires les plus variées. Si la majorité appartenait au Service de Santé, quelques-uns tranchaient par leurs caractéristiques d’officiers des armes. Parmi eux, se lève une étrange génération chirurgicale et six au moins de ces combattants deviendront chirurgiens des hôpitaux… Pourquoi cette évolution parallèle : gout du sport, du risque et de responsabilité ? Peut être.

Mais, évidemment, les lois et règlements régissant le Service de Santé n’avaient pas prévu qu’un jour, engagés volontairement ou partie avec leur classe, à dix-huit ans, des étudiants débutant en médecine reviendraient de guerre officiers des armes ! Or, pour être sous-lieutenant dans le Service de Santé, il fallait avoir été médecin auxiliaire et avoir passé sa thèse. Résultat : quelques années après cette guerre de 14-18, lorsqu’un officier des armes cumulant titres médicaux civils et militaires voudra passer dans le Service de Santé, on lui a proposera une immédiate rétrogradation, et il se trouvera dépassé en ancienneté par foule de médecins ne possèdent aucun titre ! Aucune équivalence, aucun moyen de rattraper cet inique retard n’est prévu !

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ete44_jyetaitNotre but principal est de maintenir et faire revivre la mémoire de la "Libération" en l'expliquant à tous les publics via des expositions et l'organisation d'évènements commémoratifs. Mais avant, il faut replacer les événements dans leur contexte d'où notre intérêt pour les années précédentes et les témoignages relatifs à cette période.

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