Interview de Yves Donjon, auteur de "Ceux de Normandie-Niémen" - 2ème partie
273 victoires aériennes confirmées plus 37 probables, 47 avions ennemis endommagés, 869 combats aériens, 5.240 missions de guerre et 4.354 heures de vol de guerre. Ces quelques chiffres résument le brillant palmarès de « Normandie-Niémen » qui en fait l’unité militaire française la plus titrée de tous les temps.
L’histoire du Régiment d’aviation de chasse « Normandie-Niémen » est l’une des plus exceptionnelles de l’histoire de l’aviation militaire française.
Au même titre que la « 2ème D.B. », le « Normandie-Niémen » est passé de l’Histoire à la Légende.
Comment vous êtes-vous intéressé au Normandie-Niémen ?
Mon intérêt pour « Normandie-Niémen » remonte à mon enfance. Je devais avoir 11 ou 12 ans lorsque j’ai eu entre les mains le livre (au format de poche à la célèbre couverture bleue des éditions J’ai Lu) de Roger Sauvage : « Un du Normandie-Niémen ». Déjà passionné par l’aviation, la lecture de cet ouvrage m’a véritablement captivé et j’ai été littéralement fasciné en découvrant cette extraordinaire histoire.
Une dizaine d’années plus tard, le journaliste et historien Yves Courrière publie un remarquable livre intitulé « Normandie-Niémen ». La lecture de celui-ci n’a fait qu’attiser et accentuer mon intérêt pour « Normandie-Niémen ». Progressivement (et inexplicablement) cet intérêt s’est transformé en une véritable passion.
A la fin de l’année 1992, j’apprends par la revue « Air Actualités » qu’un « Musée Normandie-Niémen » vient d’être inauguré aux Andelys dans l’Eure, et qu’il est présidé par monsieur Robert Lefèvre (frère du pilote Marcel Lefèvre). Aussitôt je contacte monsieur Lefèvre et en même temps adhère à l’association intitulée alors : « Comité andelysien pour le souvenir de l’épopée du groupe de chasse Normandie-Niémen en U.R.S.S. ». Le 21 septembre 1993, je suis présent à la cérémonie du premier anniversaire du musée et fait la connaissance de la petite équipe de bénévoles composants le comité. Monsieur Lefèvre (avec lequel je sympathise immédiatement) m’invite à assister à une réunion du conseil d’administration, ce que j’accepte bien sûr avec grand plaisir. A cette époque, j’exerce la profession de VRP et me déplace fréquemment en Normandie pour mon travail. Il m’est donc facile de me rendre aux Andelys. Très rapidement monsieur Lefèvre me propose de devenir administrateur du musée et d’occuper la fonction de documentaliste. Avec la passion que je voue à « Normandie-Niémen », comment refuser une telle proposition ? J’étais loin alors de me douter quelle importance « Normandie-Niémen » allait prendre dans ma vie… De même, j’étais loin d’imaginer que quelques années plus tard (à l’instar du renommé Yves Courrière) je serais l’auteur d’un livre consacré à « Ceux de Normandie-Niémen» !...
Quel a été l’accueil de votre démarche par les membres du NN ? Le rôle du général Risso peut-être ?
C’est au cours de l’été 1994 que j’ai pris la décision de rédiger les biographies individuelles des pilotes de « Normandie-Niémen ». A ce moment là, je ne pensais pas du tout à publier un livre. Mon intention était simplement de rédiger une fiche signalétique de chaque pilote afin de faciliter le travail des hôtesses du musée, confrontées à des questions de visiteurs auxquelles il leur était difficile de répondre. Fréquemment des personnes demandaient : « J’ai connu le capitaine X, j’ai servi sous les ordres du commandant Y, savez-vous si il est encore vivant ? qu’est-il devenu ? », etc…
Ma première démarche fut de prendre contact avec le général Risso qui était alors président de l’ « Association des Anciens de Normandie-Niémen ». Celui-ci me communiqua les noms et adresses des pilotes encore vivants, une vingtaine encore à cette époque. Il me donna également les adresses des veuves, enfants, ou membres des familles des pilotes décédés. A toutes ces personnes j’adressai un courrier expliquant le but de ma démarche. Par ailleurs, grâce au général Robineau, chef du Service historique de l’armée de l’Air, j’obtins une dérogation m’autorisant à consulter les dossiers militaires individuels des pilotes. A mon grand étonnement, aucun de mes courriers ne resta sans réponse et je fus agréablement surpris par la teneur de ces réponses. Nombre de personnes me félicitèrent et me remercièrent de ma démarche, ce qui bien évidemment m’encouragea à poursuivre et approfondir mon travail. Tous les survivants de « Normandie-Niémen » me confièrent leurs souvenirs ou témoignages. Une personne a eu un rôle prépondérant dans la réalisation de mon livre, il s’agit du général Risso. Il fut en permanence disponible pour répondre à mes questions, m’apporter des précisions, relire et corriger le manuscrit de mon ouvrage. Sans son aide, ô combien précieuse, la première édition de ce livre n’aurait sans doute jamais pu voir le jour. Je le remercie vivement de m’avoir accordé toute sa confiance (et son amitié) et de m’avoir fait l’insigne honneur de rédiger la préface de mon livre.
Qu’aimeriez-vous mettre en valeur ?
Dans mon ouvrage, j’ai tenu à rendre hommage à tous les membres ayant appartenu à l’effectif de « Normandie » puis de « Normandie-Niémen », entre septembre 1942 et juin 1945. Qu’ils aient été pilotes, techniciens, mécaniciens, interprètes, médecins ou secrétaires, tous ont contribué à écrire l’histoire de « Normandie » puis de « Normandie-Niémen ». Et ce, sans tenir compte de la durée de présence de chacun au sein de l’unité, ni même de leur provenance. J’ai souhaité tout spécialement mettre à l’honneur les 42 mécaniciens français dont le rôle a été déterminant. Sans leur collaboration dévouée et efficace, l’extraordinaire épopée de « Normandie » n’aurait pu se réaliser. Ils travaillèrent les mains nues par des températures pouvant parfois descendre jusqu’à moins 30 degrés et ils ont toujours été à la hauteur de leur tâche. Malheureusement, ils n’ont pas eu devant l’Histoire le sort qu’ils méritaient. Trop souvent oubliés, j’ai eu à cœur que les mécaniciens français de « Normandie » soient pour une fois associés aux louanges et aux honneurs.
En rédigeant ce livre, ma volonté a été de laisser en témoignage, pour les générations futures, une trace tangible du parcours et de la vie de ces héros dont l’épopée a rejoint la légende. La réalisation de ce livre est aussi pour moi la possibilité d’exorciser ce sentiment de dette morale que j’estime avoirs envers ces hommes dont certains n’ont pas hésité devant le sacrifice suprême afin que nous puissions vivre aujourd’hui dans un monde libre.
Quelle suite donnerez-vous à vos travaux après cette 3eme édition refondue ? D’autres projets ?
Cette nouvelle édition de mon ouvrage, très largement refondue, m’a demandé beaucoup de travail mais m’apporte déjà une très grande satisfaction. Il est encore trop tôt pour penser dès maintenant à une éventuelle quatrième édition (dans ce cas fortement enrichie), mais c’est une possibilité que je n’écarte pas.
Dans un proche avenir je pense m’atteler à de nouvelles recherches sur les aviateurs bretons de la Seconde Guerre mondiale et j’espère pouvoir un jour aboutir à une publication de ce travail.
Peut-être aussi un mot d’actualité avec le transfert au musée de l’art et de l’espace au Bourget ? Savez-vous pourquoi le musée du Bourget et pas le mémorial de Caen par exemple
Dans mon ouvrage, à plusieurs reprises, notamment en fin d’introduction, il est fait référence au « Mémorial Normandie-Niémen » situé aux Andelys, dans le département de l’Eure. Depuis 2008, le « Mémorial Normandie-Niémen » a rencontré des difficultés tant en terme de fréquentation qu’en terme de pérennité financière en raison de la réduction progressive, puis la disparition des subventions de fonctionnement le mettant en péril. De nombreuses démarches, effectuées ces trois dernières années pour maintenir le mémorial aux Andelys, sont toutes restées sans succès. Avec beaucoup de regrets, il a donc fallu se résoudre à admettre que le mémorial n’avait plus sa place dans l’Eure, et que, seul son transfert sous d’autres cieux permettrait de poursuivre, sous une forme différente, le « Devoir de Mémoire » entrepris il y a plus d’une vingtaine d’années. En avril 2010, un accord a été signé avec le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
La quasi-totalité des collections exposées auparavant aux Andelys sera progressivement transférée au Bourget à compter du début de l’année 2011. Un local de 250 m² attenant au planétarium, juste en face du restaurant « L’Hélice » et à côté du Boeing 747 accueillera le futur « Espace Normandie-Niémen ». Le bâtiment très bien situé nécessite cependant la réalisation de certains travaux d’adaptation préalables à la mise en valeur du fonds « Mémorial Normandie-Niémen » dans les meilleures conditions. Dès le début du mois de janvier 2011, le visiteur pourra découvrir une exposition temporaire installée dans le Hall de la Seconde Guerre mondiale, juste devant le seul et unique Yak 3 du « Normandie-Niémen ». Selon le calendrier prévisionnel l’exposition permanente située dans l’ « Espace Normandie-Niémen » pourrait être inaugurée en fin d’année 2011 ou début 2012. Le « Mémorial Normandie-Niémen » des Andelys a vécu et a définitivement fermé ses portes au public en fin de journée du dimanche 5 décembre 2010.
Longue vie à l’ « Espace Normandie-Niémen » du Bourget !