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Témoignage de l'Exode réalisée en Juin 1940 par Mlle Solange Goujon, parisienne

Écrit par 
S Goujon
Catégorie 
Témoignages | 1940
Témoignage de l'Exode réalisée en Juin 1940 par Mlle ... Image 1
  • Publication 
    31 Janvier 2011
  • Tags 
    exode | 1940 | Témoignage
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    79 Témoignage de l'Exode réalisée en Juin 1940 par Mlle Solange Goujon, parisienne /temps-de-guerre/temoignages/79-recit-exode-en-juin-1940-de-mlle-solange-goujon
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Ici, l'exode réalisé en Juin 1940 nous est décrit très précisément par son auteur, alors âgée de 18 ans.

Cet exode a été réalisé à pied, avec une voiture d'enfant pour porter les bagages, avec très peu de nourriture... Ils étaient un petit groupe de quatre personnes comprenant la mère de notre auteur âgée de 48 ans et deux collègues de son travail. Leur objectif était de rejoindre la région du Mans où ils pouvaient être hébergés loin des Allemands et des combats...

exode

 

Mercredi 12 Juin 1940 : 7 km

Départ de Paris à 13h30 pour Massy Palaiseau où nous avons cherché une voiture. Repris le métro pour Saint Rémy. De Saint Rémy à Chevreuse, orage. Avons mangé dans un café et couché dans un cinéma.

 

Jeudi 13 Juin 1940 : 25 km

Départ de Chevreuse à 7h30 pour Limours. Arrêt pendant 2 heures pour laisser passer troupes et réfugiés. Repartis à travers champs pour Briis-sous-Forges où nous avons mangé et sommes allés au ravitaillement (avons trouvé). Repris la route pour Vaugrigneuse où nous avons couché dans une grange ouverte sur 3 côtés avec des réfugiés, des soldats et des chevaux.

 

Vendredi 14 Juin : 30 km

 

Départ de Vaugrigneuse à 8h30 ; marche pénible à travers chemins de terre, arrêt sous les arbres pour laisser passer avions allant bombarder Dourdan et Etampes. Au Val-Saint-Germain avons entendu la TSF et appris qu’ils se dirigeaient sur Saint Dizier. Déjeuner dans le bois en haut de la côte des sueurs, repris le chemin pour Sermaise où j’ai rencontré le directeur de la lunetterie de Ligny. Ensuite direction Blancheface où nous avons mangé ( bouillon Kub- omelette), puis couché dans une chambre sur la paille.

Samedi 15 Juin : 35 km

Départ de Blancheface à 6h30 en direction d’Authon-la-Plaine. Déjeuner (après grande marche) sur le bord de la route où nous avons été mitraillés. Reprise de la marche, traversons Authon avec une colonne d’artillerie. A 16h30, mitraillés et bombardés sur la route de Garencière (cachés dans un champ de blé). Avons mangé à Sainville devant une église où nous avons transporté un banc, étant donné le nombre des avions qui passaient et bombardaient plus loin. Pour la première fois, nous marchons la nuit  et allons jusqu’à Denonville où des soldats nous ouvrent une maison abandonnée. Nous sommes dérangés au cours de la nuit par des réfugiés avec un bébé et avons plusieurs émotions dans la nuit (la porte tombe).

Dimanche 16 Juin : 32 km

Départ de Denonville à 5h30 en direction de Gault-Saint-Denis. Déjeunons à Voves sous bombardement et colonnes de fumée et où un soldat en moto nous crie : « Sauvez-vous tous » d’où panique. Tout le monde s’en va. La roue de la voiture de M. B. est cassée. Nous mangeons dans la ferme de Rouvray (pleine de réfugiés) où nous arrivons après des heures de marche sous la pluie. Nous repartons une demi-heure après pour Gault-Saint-Denis où nous couchons dans une école.

Lundi 17 Juin : 37 km

Départ de Gault-Saint-Denis à 0h30 en direction de Cloyes (sur le Loir). Nous avons été réveillés la nuit par 2 explosions formidables et par une dame disant qu’on évacuait le pays. Donc nous sommes partis pour Bonneval où un soldat nous a donné des petits beurres, des biscuits, une bouteille de Madère. Après deux heures de repos, nous repartons. Vers 16 heures, après avoir passé Logron et Chantemestre, les troupes françaises qui nous dépassent se mettent en batterie et nous disent que les Allemands sont à 2 km derrière nous. Donc, changement de direction. Nous passons par Libouville où nous avons mangé et avons laissé des bagages chez M. C.-S. Départ de Libouville vers 20 h, orage et pluie, couchons (5 minutes) dans une auto abandonnée sur la route, car les propriétaires viennent la reprendre. Nous nous couchons 1h ½ sur le bord de la route, puis reprise de la marche sous la pluie battante, jusqu'à Courtalain où nous arrivons vers 3h du matin le 18 Juin.

Mardi 18 Juin : 24 km

Départ de Courtalain pour Boursay à 9h30. Vers 11 heures, 2 km environ avant Droué, les premiers éléments d’une division motorisée allemande nous dépassent sur la route.

Nous nous reposons dans un chemin creux où nous mangeons nos 2 derniers œufs durs. Reprise de la marche. Nous traversons Droué, puis après une côte (un mauvais chemin en plein soleil) de 9 km nous arrivons à Boursay à 19h. Nous couchons dans une petite maison mise à notre disposition après avoir fait un repas chaud (soupe – petits pois – fraises et naturellement petits beurres de Bonneval).

Mercredi 19 Juin : 16 km

Départ de Boursay à 9h30 pour Mondoubleau où nous déjeunons, place du marché et où la cavalerie allemande vient se ranger juste en face de nous. Avons mangé tout ce que nous avions pour leur montrer que nous ne manquions de rien !

L’après-midi, recherche d’un logement, l’adjoint (au maire?) nous installe dans l’école des filles où nous dînons et couchons.

Jeudi 20 Juin : 19 km

Départ de Mondoubleau à 9h pour Saint Calais. Nous marchons avec des troupes allemandes en camions, nous déjeunons à Sargé près d’une rivière (un allemand veut emmener Jeannette à Saint Calais sur sa bicyclette !). Repris la route à 14h pour arriver à Saint-Calais à 18h après une route en plein soleil qui montait et descendait constamment. Avons mangé et couché à l’hôtel de France.

femmes de la famille Girondin Les 21-22-23-24-25 juin avons logé chez Mme R., amie de Mlle A. ancienne caissière de chez F Marquis (l’employeur, un fabricant de chocolat).

Le 26 Juin :

Départ de Saint-Calais à 6h30 pour Connerré où nous arrivons à 7h30 et où nous devons attendre la correspondance pour Le Mans qui, devant passer à 16h30 ne passe qu’à minuit ½ d’où arrivée au Mans à 1h1/2 et nous sommes obligés de passer la nuit dans la gare.

Nous avons laissé à Saint Calais la voiture d'enfant (qui ne marchait que sur 3 roues) que nous avions trouvée à Chevreuse.

 (La photo présentée ici est issue de la collection d'Eté 44 (femmes de la famille Girondin) et son sous-titre pourrait être "le soulagement")

Nous remercions les enfants de Mlle Solange Goujon de nous avoir communiqué le texte écrit par leur mère ainsi que la carte de son difficile périple.

Notons aussi dans ce récit, la proximité avec les combats de retardement menés par l'armée française et ce bien que nous soyons déjà mi-juin. Cela illustre bien que contrairement à l'imagerie populaire (avec notamment le célèbre film "mais où est passé la 7eme Cie"), l'armée française s'est vraiment battue jusqu'au "cessez- le- feu" de l'armistice.

Ce combat du 17 juin fera l'objet de recherches et d'un potentiel futur récit si nous en trouvons des traces dans les archives des armées au SHAT.


 Documentation

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pdf Carte : exode solange goujon (1940)
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Commentaires  
#2
D Lanneau, président d'Eté 44
04-02-2011 01:06
Au delà de ce récit, elle nous a aussi raconté que : Etant parties avec des chaussures de ville aux pieds et une valise, elle gardait le souvenir de fatigue, d'avoir eu très mal à un pied à cause d'une énorme ampoule, recouvrant la plante du pied, qui l'a beaucoup fait souffrir, surtout que les étapes étaient très longues (la plus longue 37 km).Elle a souffert de la faim car elle n'a que très peu mangé. C'est pourquoi elle a signalé dans son journal chaque fois où elle a pu avoir quelque chose à manger.La fatigue a été énorme car, rappelons-le elle a marché de nuit comme de jour. Elle a couché sur la paille, dans des hangars, des écoles. Elle a eu chaud aussi.Elle gardait évidemment un souvenir de peur (fuite de Paris d'abord), mais aussi lorsqu'elle a dû se précipiter dans les fossés "la tête dans les épaules" lors des mitraillages par avion. Elle a vu des gens touchés par balles, une charrette flamber, des chevaux s'emballer avec leur chargement, des voitures brûlées.Ensuite il lui a aussi été très pénible de n'avoir aucune information sur la situation.Elle est restée un mois au Mans et est rentrée sur Paris avec sa mère lorsque la circulation des trains a été rétablie.Bien cordialement
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#1
Isabelle
03-02-2011 09:05
La maman de Mme Goujon avait mon âge à l'époque du récit et je dois dire que j'aurai été INCAPABLE de réaliser cette marche, dans ces conditions.On se dit alors que la peur peut faire réaliser des exploits, mais tout de même : quel courage ! quel exemple !!A aucun moment l'auteur se plaint ni de la fatigue, ni de la faim. Elles ont dormi sous la pluie, marché en plein soleil, on dû être terrorrisées par les bombardements, affamées certainement par l'effort fourni. Et aucun sentiment de faiblesse, au contraire ! Devant l'ennemi, elles ont même mangé tout ce qu'elles possédaient "pour leur montrer". C'est incroyable de dignité. Cette lecture va remettre beaucoup de pendules à l'heure dans ma vie. J'ai trop souvent tendance à me plaindre devant ce que j'estime être des difficultés, mais qui sont des détails sans aucune importance par rapport à tout ce que ces personnes ont enduré et surmonté.Merci Daniel de nous donner la possibilité de nous rendre compte de ce qu'était la vie des français à cette époque et de ces magnifiques exemples de détermination.Je suis très émue, mais regonflée pour un moment...Isabelle
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