108Eté 44, bataille de Normandie : Aérodrome britannique "B9" à Creully base des Typhoon du 143eme Wing/temps-de-guerre/actions-de-guerre/108-ete-44-aerodrome-de-campagne-b9-a-creully
Pour s’assurer le meilleur appui aérien au sol, les Alliés ont programmé de construire, dès le Débarquement, au plus près de la ligne de front des aérodromes temporaires. En trois mois la Normandie sera couverte par plus de 50 plateformes, 30 américaines et 20 britanniques.
Comment cela a été possible ? Quels résultats sur le déroulement et l’issue des combats ? Que reste-t-il aujourd’hui de ces travaux gigantesques ?
Voici l’histoire de l’un des plus grand d’entre eux, celle de :
B 9 Creully-Lantheuil- Saint Gabriel
La construction
Dans le secteur britannique, (de Ouistreham à Port en Bessin), la construction des aérodromes temporaires, identifiés : B pour British, nécessaires au développement des activités aériennes de la RAF, est confiée à des unités spécialisées du Génie Militaire appelées : Airfield Construction Group, Royal Engineers : ACGRE.
Il y avait 5 ACGRE pour le secteur britannique. Nous nous intéresserons dans cet article au 13th ACGRE qui a en charge, notamment, la construction de l’aérodrome de Creully/Lantheuil : B9.
Le 13th ACGRE est constitué de 6 compagnies : une compagnie de commandement, deux compagnies de sapeurs, RE, trois compagnies de pionniers, PC, et un atelier des REME , soit un total de 800 hommes placés sous le commandement du Lt. Colonel Rankin. Il est doté de matériels spécifiques : bulldozers, scrapers, rouleaux, grues, camions divers…..Après le nivellement des sols il est étendu sur la surface de la piste un grillage à grosses mailles carrée maintenu par des clips et des piquets. Les missions prioritaires du 13th ACGRE sont la construction simultanée de B6 à Coulombs et B9 à Creully.
Le 7 juin, le 13th ACGRE fait mouvement vers Gosport près de Portsmouth et embarque sur le LST 73 de l’US Navy. Le navire va au mouillage dans le Solent. Le 8 juin le LST lève l’ancre et se porte au large des côtes de Normandie. Le 9 juin l’unité est transférée dans des Rhinos Ferries à couple, sortes de barges qui vont ensuite débarquer hommes et matériels sur la plage du Hamel, Asnelles, à 14h30. Le 13 ACGRE se déplace vers Crépon, centre de triage et passant par Saint Gabriel, s’installe à Coulombs vers 19h.
Le 8 juin, alors que les travaux commencent à B6, le Lt. Colonel Rankin, rencontre le maire de Creully, Mr. Paillaud, pour lui signifier les ordres de réquisition : « requisition of land » et que les travaux de B9 vont se déployer sur une emprise de près de 200 hectares entre sa commune et le bois de Lantheuil dans la perspective d’accueillir le plus rapidement possible 3 Squadrons de chasseurs de la RAF. Un état des cultures qui seront détruites est établi. Il servira à l’indemnisation des cultivateurs. Les premiers sapeurs participent aux offices religieux le dimanche 11 juin dans l’église de Creully
Le 12 juin les travaux de décapage des sols, moissons et nivelages sont entrepris. Le 13 juin la 653ème Compagnie de Sapeurs et la 222 Compagnie de Pionniers s’installent en bordure du bois de Lantheuil. Le 15 juin 10% des travaux de B9 sont terminés. On constate un manque de piquets pour tenir le grillage. De plus, comme il faut des cailloux pour l’empierrage de certains taxis ways il faudra ouvrir une carrière à Martragny pour s’en procurer. Il y est extrait 1.600 tonnes de pierres calcaires. Il y en a, bien plus près à Orival, mais ces carrières en secteur canadien ne sont pas accessibles aux britanniques, plan de circulation oblige. A titre d’exemple on note un véhicule toutes les 3 secondes à la Tourelle! Pour remédier à cet intense trafic, les canadiens construiront la déviation qui porte leur nom.
Le 16 juin des ordres sont donnés pour réaliser le schéma d’arrosage des pistes pour faire tomber la poussière. Le site d’une station de pompage sur la Seulles à Saint Gabriel est retenu. Le 16 juin B9 est complété à 15%, il le sera à 25% le 17, 45% le 18, 60% le 19 mais un manque de matériel entrave son achèvement. Le 20 juin, 16 Dakotas atterrissent à Coulombs avec 450 tonnes de matériels divers pour B9.
Les travaux s’accélèrent et le 21 juin l’aérodrome de Creully/Lantheuil peut accueillir ses avions sur sa piste longue de 1200 mètres et large de 33 mètres, recouverte de 800 tonnes de grillage.
Le 143ème Wing RCAF
Le 27 juin le 143 Typhoon Wing, RCAF arrive à Lantheuil. Le 438ème Squadron, « Wild Cat », arrive le 27, suivi par le 439ème, « Westmount » puis le 28 par le 440ème « Beaver » tous équipés de Typhoon 1B : « Tanks Killer ».
Chaque squadron est composé de 18 avions soit, pour B 9, 54 avions servis par 70 pilotes et 170 autres personnels : mécaniciens, armuriers, contrôleurs aériens, radios, ... Tous ces aviateurs logent dans les tentes sur le site de B 9.
Dès le soir du 27, un des Squadrons bombarde des ponts sur l’Orne.
Le 28, les Westmount détruisent un pont à Thury-Harcourt puis un autre à Goupillières et les Wild Cat un convoi à Verson. Ce 28 juin est un « Record Day » pour les chasseurs canadiens avec 34 avions ennemis détruits.
Le 8 juillet, les Wild Cat détruisent une concentration de troupes près du château de Fontaine et reçoivent les félicitations de l’Armée. Malheureusement, ce même jour le F/Lt. L.E. Park des Wild Cat est abattu et tué au sud ouest de Caen. Les pertes de ces aviateurs canadiens seront nombreuses. Toujours le 8 juillet c’est le F/O FM Thomas qui est tué près de B 4.
Le 16 juillet le W/O C.J. Mc Convey s’écrase sur la piste de Lantheuil et ses bombes explosent. Le 17 juillet le F/O R. G. Hattie se tue à Malto.
Le 18 juillet c’est le pilote F/O J. Kalen qui est tué près de Frémentel.
Le 30 juillet le F/O J.W. Lippert est tué à Grainville.
Le 8 août le F/Lt. C.W. Hicks est tué au NW d’Ussy.
Le 12 août sera une journée terrible pour les aviateurs canadiens de B 9. Quatre pilotes participant à la Bataille de Falaise sont portés manquants : F/O E.J. Allen prés de St. Philibert sur Orne, F/O R.O. Moen près de St. Pierre la Vieille, P/O J.F. Dewar à Condé et le F/Lt. T.A. Bugg à Le Mesnil Villement. Le 13 août c’est le F/O R.E.M. Mc Curdy qui est tué à Flers.
Le 15 août le F/O W.H. Morrisson heurte la cime des arbres en attaquant un convoi et se tue près de Trun, victime sans doute de la « Target fascination ».
Le 18 août ce sont deux pilotes qui perdent la vie : le F/O G.H. Sharpe près d’Orbec, et le F/O J.S. Colville près de Vimoutiers.
Il n’y aura pas d’autres pertes jusqu’au 31 août date du départ des squadrons vers B 24, Saint André de l’Eure. Le terrain de Creully/Lantheuil est alors abandonné.
Le Wing aura perdu 15 pilotes tués et 20 avions lors de sa campagne à B 9. On peut consulter sur le site : http://www.aerosteles.net les plaques correspondantes aux lieux des crashes de certains de ces pilotes.
Bien que reconnu par la Luftwaffe le 7 août, il ne semble pas que B 9 ait fait l’objet d’attaques ciblées par l’artillerie ou l’aviation ennemie.
La vie à Creully
La vie s’organise à Creully avec ces nouveaux habitants. Chaque jour le camion haut parleurs du service de propagande Alliée diffuse les nouvelles du front sur la place près du kiosque. Les soldats et aviateurs se retrouvent dans le parc du château près du mess qui s’y trouve installé et les habitants peuvent rencontrer les reporters et correspondants de guerre de la BBC ainsi que tous les officiers de l’Etat Major de Montgomery qui a mis ses caravanes à Creullet. Certains jours des musiciens militaires donnent des concerts sur le kiosque de la place de l’Eglise.
Coulombs et Lantheuil avec chacun plus de 200 hectares sont les deux plus importants aérodromes du secteur britannique et à ce titre ils accueilleront des visiteurs célèbres, Gal. Eisenhower, Gal. Inglis, Lord Reading……et le 7 juillet, le fameux reporter de la BBC installée dans la tour du château de Creully : Frank Gillard, se rend sur l’un des deux aérodromes pour faire un reportage de 4 minutes joint. Si les chasseurs volent assez haut dans le ciel de Creully, il n’en est pas de même pour les Dakotas qui chargés de blessés décollent de Banville très bas pour survoler, dans un bruit étourdissant, la cime des arbres du château de Creullet.
Entre temps, les sapeurs installent un barrage en bois sur le ruisseau « la Gronde » qui traverse le bois de Lantheuil. L’eau retenue servira au service d’incendie et à l’arrosage des pistes pour atténuer la poussière en attendant l’arrivée de l’eau de la Seulles.
L’eau de la Seulles
Comme on l’a lu précédemment, la reconnaissance pour la mise en place du réseau d’eau a eu lieu le 16 juin et la rivière Seulles, avec son bassin du bief de Creully, a été retenue comme source d’approvisionnement. Seuls les pipes ont été posés entre cette date et le 8 juillet où les fondations de la station de pompage sont coulées à Saint Gabriel. C’est la 653 Road Contruction Company qui est chargée du travail. Les plans sont dressés par le lieutenant J.R. Loudon à qui il sera reproché de ne pas avoir fait un toit assez pentu. Les murs sont élevés avec des pierres venant de la carrière ouverte à Martragny par six maçons encadrés par un sous officier. Le 16 juillet, alors que la maçonnerie est terminée, deux pompes Sulzer actionnées par des moteurs Diesel Hercules Power sont installées et reliées aux pipelines qui alimentent B6 et B9.
La 222 Pionner Company donne un renfort à la compagnie pour accélérer la mise en place complète de la station. Le pipe de 4 pouces qui irrigue B9 est testé le 24 juillet. Dans le même temps une troisième pompe est reliée à la Fontaine Verrine sur Creully pour l’alimentation en eau potable et un château d’eau en cube d’acier est monté aux Communes.. Les quatre pompes sont opérationnelles le 29 juillet avec une capacité de 10.000 m3 jour. Le petit lac sur la Gronde est rapidement rempli et les arrosages de la piste peuvent commencer de nuit. La station de pompage est fermée fin septembre. Il aura fallu sept semaines pour la construire et elle aura fonctionné quatre semaines au bénéfice des terrains de Bazenville, Coulombs et Creully ! Si cela semble présenter beaucoup d’énergie mise en oeuvre pour si peu de temps, il faut se rappeler que les stratèges Alliés, dans leur hypothèse la plus défavorable estimaient pouvoir être encore en Normandie en décembre et que ce besoin d’infrastructures conséquentes était nécessaire.
Après le départ des aviateurs, l’une des pompes est alors installée au profit des Sapeurs Pompiers de Creully près du lavoir. Elle y est toujours, en parfait état. Elle est inscrite au patrimoine établi par le Conseil Régional.
Le retour à l’agriculture
Dès l’automne, les travaux de déconstruction de B9 sont entrepris. Les autorités britanniques établissent la liste des parcelles exploitées afin d’indemniser les pertes d’exploitation subies par les agriculteurs.
Après accord entre les parties, 14 exploitants : Mr. Alix, Mr. Buon, Mme Guesnet, Mr. Guerond, Mr. Jeanne, Mr. Lecarpentier, Mr. Lefevre, Mr. Lerenard, Mr. Letulle, Mme Mabire, Mr. Paillaud, Mr. Pezeril, Mr. Portier et Mr. Richard se partageront, au prorata des surfaces cultivées s’élevant à 192 hectares, une indemnité d’un peu plus de 4 millions de francs.
Il n’est pas rare aujourd’hui, en suivant une charrue de découvrir l’un des milliers de clips servant à assembler les rouleaux de grillage à mailles carrées ou encore des câbles téléphoniques qui reliaient la tour de contrôle aux différents postes sous tente.
Le terrain d’aéromodélisme.
Des 50 aérodromes provisoires construits par les Alliés en Normandie, un seul, 65 ans après, possède encore une activité aéronautique : B9 à Creully.
Reportage extrèmement intéressant et riche de détails qui permet de mieux se rendre compte de l'ampleur et de l'utilité de cet ouvrage militaire.Bien sur, quand on habite à coté, on en a entendu parler, grâce à cet exposé on le connais un peu mieux.Merci à ceux qui cherchent dans les traces du passé puis relatent leurs trouvailles, afin que même ce qui a été recouvert phisyquement reste néanmoins visible.
L'appui au sol du côté britannique était assurée par la 2eme Tactical Air Force créée pour l'occasion. Elle était notamment constitués de 23 groupes de Typhoon dont les 4 canadiens de B9.Et pour l'anecdote,les pilotes surnommaient leur Typhoon : "Tyflies".