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ete44_jyetaitNotre but principal est de maintenir et faire revivre la mémoire de la "Libération" en l'expliquant à tous les publics via des expositions et l'organisation d'évènements commémoratifs. Mais avant, il faut replacer les événements dans leur contexte d'où notre intérêt pour les années précédentes et les témoignages relatifs à cette période.

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Lorsque devenu trésorier de l’U.F.N.M.R., nous voulûmes, avec notre président Lardennois et notre secrétaire général Huber, essayer d’obtenir un peu plus de justice pour cette catégorie d’officiers, nous parcourûmes d’abord les ministères. A la 7e Direction, une apparente compréhension accueillit nos projets, mais nous fumes soigneusement renvoyés à des chefs de bureaux que révoltait l’idée de toute modification possible ! J’ai mesuré à ce moment la faiblesse de ceux qui doivent diriger une section de ministère… Ils sont en général d’esprit ouvert, mais les bureaux restent immobilisés, dans le temps et l’espace !

La vie, les êtres changent, évoluent continuellement. Que serait ma chirurgie si j’en restais à celle que de vénérés maitres m’ont apprise voici vingt ans ! Mon métier reste une perpétuelle transformation, et j’apprendrai jusqu’à mon dernier jour. Toutes les lois particulières doivent pouvoir se modifier suivant l’évolutions des faits. Mais rapidement, pour le cas des officiers des armes passant dans le Service de Santé, il devenait évident que le ministère ne proposerait d lui-même aucune modification. Lorsque nous butons sur un obstacle, en chirurgie comme à la guerre, les deux métiers dont j’ai quelque expérience, le choix s’offre : attaquer de front et démolir, ou tourner la résistance. Une petite exploration, une reconnaissance se justifient avant la décision. Je m’adressais donc à l’autre source qui pouvait donner l’impulsion pour modifier le texte, aux parlementaires.

J’avoue avoir été agréablement surpris. La compréhension et le désir d’aboutir effectivement étaient manifestes, quelles que fut l’opinion politique de mes interlocuteurs. Tant d’homme, en apparence opposés, agissent de même manière devant les faits et les mêmes responsabilités ! Le docteur Dezanauld prit avec l’intelligence la question en main. Nous étions déjà à l’été de 1939 ; la guerre survint. Mais ce problème des armes passant dans le Service de Santé se posera à nouveau. Il mérite d’être résolu, d’autant que notre armé de 1945 ne comptait pas grand monde. Mais ceux qui se sont trouvés retardés dans leurs études, alors que les étudiants en majorité ont continué à prendre leurs inscriptions, reportant l’incorporation aussi tardivement que possible, en utilisant les possibilités des sursis. Le jour de la thèse viendra beaucoup plus tôt pour eux que pour ceux qui se sont battus. Et les anciens officiers des armes de 42-45 et les médecins auxiliaires, non docteurs en médecine de 42-45, qui seront partis faire leur devoir se trouvent à nouveau en retard sur ceux qui seront restés « pénards » dans les Universités !

Le fait est tellement vrai qu’à l’heure où j’écris, cette situation se fait déjà sentir à l’armée : nous pourrions et devrions nommer sous-lieutenant, lieutenant, des jeunes peu incorporés, mais qui ont continué leurs études. Ceux qui, depuis trois ans, les uns partis en Afrique, d’autres ayant peinés dans les prisons espagnoles, se battaient, au lieu de fréquenté les Facultés, qui peut être pendant ce temps serait devenus internes, restaient médecin auxiliaire ! Injustice flagrante et qui persistera, si les années ou de médecin auxiliaire ne sont pas ajouté à titre d’ancienneté au grade initiale d’officiers obtenu au moment de la thèse.

Le capitaine d’artillerie est tombé en 1940 au champ d’honneur. Sa dernière citation exalte son héroïsme et l’exemple qu’il a donné. Son éloge a ralenti un jour d’Assemblée de la Résistance médicale au grand amphithéâtre de la Sorbonne. Son général a déclaré qu’il perdait en lui un des meilleurs officiers d’artillerie de sa division.

Qu’un chirurgien d’élite, ancien interne de Paris, professeur à l’Ecole de Médecine de Rouen et chirurgien des hopitaux de cette grande ville, ait été tué comme capitaine d’artillerie constitue un titre de gloire pour la médecine française. Il est bon qu’elle ait ses héros, ses martyrs et que personne ne puisse chicaner le corps médical sur son courage.

Pourquoi cette mort illogique d’un chirurgien de haut rang à cette place de combattant ? Derocque, tout jeune, avait fait campagne en 1914-18 comme artilleur. Un jour, un camarade m’avait dit à l’Académie de Chirurgie : « Tu sais que Derocque a voulu passer dans le Service de Santé. On lui a dit qu’il serait d’abord médecin-auxiliaire ! Il a refusé et reste capitaine d’artillerie. » Un an plus tard, j’ai appris l’admirable exemple qu’il avait donné. Mais, dans cette mort, certains portent de lourdes responsabilités. Certains chefs du Service de Santé, n’ont rien fait pour modifier cet état des choses. Leur inertie n’a rien été à coté du mauvais vouloir des bureaux dès qu’on a voulu leur faire remuer la crasse fossilisée de leurs lois vétustes et de leurs dossiers.

En aout 1918, les étudiants en médecine encore mobilisés ont été rappelés à la Faculté. Quel aspect curieux que ces gradins du grand amphitéatre sur lesquels se pressent des étudiants dans les tenues militaires les plus variées. Si la majorité appartenait au Service de Santé, quelques-uns tranchaient par leurs caractéristiques d’officiers des armes. Parmi eux, se lève une étrange génération chirurgicale et six au moins de ces combattants deviendront chirurgiens des hôpitaux… Pourquoi cette évolution parallèle : gout du sport, du risque et de responsabilité ? Peut être.

Mais, évidemment, les lois et règlements régissant le Service de Santé n’avaient pas prévu qu’un jour, engagés volontairement ou partie avec leur classe, à dix-huit ans, des étudiants débutant en médecine reviendraient de guerre officiers des armes ! Or, pour être sous-lieutenant dans le Service de Santé, il fallait avoir été médecin auxiliaire et avoir passé sa thèse. Résultat : quelques années après cette guerre de 14-18, lorsqu’un officier des armes cumulant titres médicaux civils et militaires voudra passer dans le Service de Santé, on lui a proposera une immédiate rétrogradation, et il se trouvera dépassé en ancienneté par foule de médecins ne possèdent aucun titre ! Aucune équivalence, aucun moyen de rattraper cet inique retard n’est prévu !

Le 28 mai 1940 le groupe est déplacée au sud de l’Angleterre vers le terrain de Martlesham à quelques kilomètres de la côte Est, l’aube venait à peine de rosir le ciel quand le groupe se forma au-dessus du terrain et mis le cap sur l’est. Une demi-heure plus tard, les appareils se posèrent par section de trois.

Quelques minutes plus tard, le Wing-commander Mermagen qui était parti aux nouvelles, revint et réunit ses chefs d’escadrille : « Patrouille au-dessus de Dunkerque, altitude 12000 pieds », annonça-t-il. « Nous décollerons dès que le plein sera fait. C’est tout ce que je peux vous dire. Il s’agit d’une évacuation, je crois ».

Aussi incroyable que cela paraisse aujourd’hui, le nom de Dunkerque ne signifiait, alors, à l’époque, rien pour l’anglais moyen. Comme l’armée entourait le projet d’évacuation d’un secret total, les gens, combattants ou civils, ignoraient ce jour-là que les plages de Dunkerque grouillaient d’hommes à bout de force, que le matériel s’amoncelait dans la ville suppliciée, qu’à moins d’un miracle, le corps expéditionnaire tout entier allait être anéanti. Quant aux pilotes, ils étaient franchement déçus. Encore une mission de patrouille…

Ils partirent groupés en 4 sections de 3 appareils, grimpèrent régulièrement et, à quelques 9000 pieds d’altitude, s’enfoncèrent dans la couche de nuages cotonneux qui s’étendait jusqu’à l’horizon. 1000 pieds plus haut, ils émergèrent brusquement du moutonnement blanc, montant jusqu’à l’altitude prescrite de 12000 pieds, filèrent vers la côte française toujours dans la même formation de parade. Un Messerschmitt surgissant derrière eux aurait pu les descendre tous, sans recevoir une seule balle. Droit devant, mais encore très loin, Bader vit une étrange plume noire s’élever au-dessus de la nappe brumeuse qu’il survolait. Presqu’au même moment, la voix du Wing-commander résonna dans les écouteurs : « Ça doit être notre objectif, cette énorme fumée. Probablement des réservoirs de pétrole incendiés. »

Dunkerque retreat

Ne sachant que faire, ils se mirent à tourner autour de la colonne de fumée. Ils auraient voulu descendre sous le plafond de nuages, mais le contrôleur avait dit « 12000 pieds » et dans leur inexpérience, ils considéraient cette indication comme un ordre. Autour d’eux, le ciel restait désespérément vide et, au bout d’une heure et demie, le Wing-commander ramena son troupeau vers le nord-ouest. Ils ignoraient qu’au-dessous des nuages, sur la plage sanglant des grèves, des nuées de Stukas exécutaient piqué sur piqué, et que des « Messerschmitts » mitraillaient des milliers d’hommes sans défense.

Comme ils revenaient à tire d’aile vers l’Angleterre, la radio les instruisit de se poser à Manston, puis, quelques minutes plus tard, les dirigea vers Duxford. Là, on les fit aussitôt repartir pour Hornchurch, une base de chasse située à une vingtaine de kilomètres à l’est de Londres. « Quelle pagaille ! » grommelaient les pilotes.

Le décollage eut lieu à 4H30, cette fois, ils volaient à 3000 pieds au-dessus de nuages massifs. Comme ils contournaient le promontoire nord pour laisser Douvres sur leur droite, Bader faillit crier un cri de surprise. Partant de l’estuaire de la Tamise, de Douvres, de toutes les anses et baies, d’innombrables petites embarcations se dirigeaient en convergeant vers le sud-est, parant la mer grise d’un cortège ininterrompu de yachts, de remorqueurs, de baleinières, côtres, canaux de sauvetage, vapeurs à aubes, immense ruban qu’entaillait par endroit une silhouette plus massive d’un croiseur ou destroyer. L’extrémité éloignée de l’incroyable défilé atteignait déjà la zone où l’épaisse fumée projetait son ombre mouvante sur la ligne basse du rivage.

Les appareils coupèrent au travers de la grève jaunâtre de Gravelines pour longer les plages en direction de Dunkerque. Tout d’abord, les soldats aux abords de la ville ressemblaient à un essaim de fourmis, puis, comme la distance diminuait, à une myriade de mouches noires, agglutinée sur le sable. On dirait la plage de Brighton le 1er jour des vacances de Pentecôte, mais ce n’était pas la Pentecôte et Bader, les dents serrées, commençait à avoir une idée plus précise de la guerre.

L’avant-garde des petits bateaux rampait dans l’eau verte des hauts fonds, relié à la terre par des pointillés noirs, les têtes et les épaules des hommes qui allaient embarquer.

« Des ennemis droit devant ! » annonça une voix dans les écouteurs.

Bader les découvrit presque au même instant : 10 ou 12 appareils à peut-être 5 kilomètres légèrement sur la droite. Ils semblaient se porter à la rencontre de la formation britannique. Quelques secondes plus tard, Bader les distingua nettement. Puis brusquement, les « Messerschmitts » virèrent à gauche et se mirent à grimper, cherchant l’abri des nuages. Ils devaient transporter des bombes puisque visiblement, ils ne tenaient pas à engager le combat. Le Wing-commander, volant en tête de son groupe, releva le nez de son « Spit ». Un flot de douilles jaillit de ses ailes qui branlaient le retour spasmodique de ses mitrailleuses. Mais, il lui aurait fallu au moins une marge de 10 secondes pour arriver à portée utile.

Soudain, un des « Messerschmitts », vomit une fumée noire, quitta la formation en plongeant et, s’embrassant d’un seul coup, tomba comme une pierre. Percutant au sol à la lisière sud de la ville, il explosa en un geyser rougeoyant. Les autres allemands avaient déjà disparu dans le nuage, et le ciel était de nouveau vide. Il resta même vide pendant toute la durée de la patrouille. Quand, quelques minutes après 7 heures, le groupe se posa à Hornchurch, tous les pilotes se précipitèrent pour féliciter leur chef.

D Bader sortant de son spitfire et ses jambes artificielles

Le lendemain matin, ils durent encore s’extirper de leur lit à 3H30 pour un décollage à 4H30, le surlendemain aussi, et à nouveau, le jour d’après. A présent, Dunkerque n’était plus qu’un immense brasier, cerné de canons dont les lueurs de départ formaient une chaine permanente de clignotements. Pour le reste, c’était toujours la même chose : les innombrables embarcations, les hommes serrés sur les plages, le ciel vide. D’autres unités de la R.A.F. eurent des rencontres sanglantes avec des bandes de « Messerschmitts » et de « Stukas », mais le 222ème groupe, lui, ne rencontra jamais rien.

Enfin, le 5ème jour de la bataille, ils aperçurent, au-dessus de l’incendie dévorant une masse de points noirs qui évoluaient rapidement dans l’atmosphère saturée de fumée. Des « Messerschmitts 110 » qui manifestement s’apprêtaient à attaquer les plages. Surpris, les allemands virèrent et filèrent vers l’intérieur des terres sans lâcher leurs bombes. Mais, comme le ciel était parfaitement dégagé, les Spitfires se lancèrent à leur poursuite, fonçant à plein gaz. Bader, crispé aux commandes, n’eut guère le temps de réfléchir. D’un geste automatique, il déverrouilla ses mitrailleuses, certain de pouvoir enfin s’en servir. Comme il se retournait pour parcourir du regard la ligne régulière de sa formation, il vit, du coin de l’œil, 4 formes grises surgirent sur la gauche, un peu au-dessus d’eux et plonger sur la section de flanc garde. Il les reconnut aussitôt, et pourtant, il ne les avait vu jusqu’alors que sur les tableaux comparatifs des appareils ennemis qui ornaient les murs du mess. Ces silhouettes effilées de requins, ces nez vigoureux qu’ourlaient le halo orange des balles traceuses ; « Pas de doute, c’était des « Messerschmitts 109 », les célèbres chasseurs de la Luftwaffe ».

Douglas Bader on wingLG

Pesant brutalement sur le manche et le palonnier, il vira serré pour se porter à leur rencontre. Une seconde plus tard, un 109, lancé en flèche, se présenta juste devant lui. D’un pouce rageur, Bader écrasa le bouton de détente. L’appareil tout entier vibra sous le recul frénétique de ses huit mitrailleuses. Le 109 oscilla comme à la recherche de son équilibre, dérapa, montra on ventre comme dans un geste obscène et, s’embrasant d’un seul coup, partit en chute libre. Fasciné, Bader le vit descendre, tournoyant comme une toupie, et s’écraser quelque part sous le plafond opaque des écrans de fumée.

Ivre de joie, de cette joie sauvage du chasseur qui, en détruisant un adversaire dangereux, a gagné le droit de survivre lui-même, Bader amorça un large virage pour rejoindre sa formation. A sa surprise, le ciel était désert. Le groupe avait dû s’enfoncer vers le sud, à la poursuite des bombardiers. …/…. Mais quand, une demi-heure après son atterrissage, le groupe regagna le terrain, il manquait deux appareils. Les Messerschmitts avaient pris leur revanche.

Au début de l’après-midi, ils revinrent sur Dunkerque, impatients de venger leurs premiers morts. L’espace, étrangement cloisonné par des murs de fumée et des grains de pluie, paraissait plein de menaces imprécises, comme une maison hantée ou une jungle peuplée de fauves. Bader rôdant le long des plages, vit une ombre piquer sur un destroyer, redresser au des cheminées et remonter en chandelle. Un énorme jet d’eau creva la surface juste derrière le bâtiment dont l’arrière, soulevé par l’explosion de la bombe, montra un instant son hélice au-dessous de l’eau. L’appareil allemand, un Heinkel, vira vers la terre, et Bader se lança à sa poursuite. Voyant des éclairs rapides sortir du bombardier, il déclencha ses propres armes, et presque aussitôt les lueurs cessèrent. Pas de doute, il avait dû liquider le mitrailleur. Le Heinkel vira de nouveau, si brusquement que Bader mit plusieurs secondes pour revenir vers lui. Des secondes qui représentent un écart d’un bon kilomètre. Mais déjà sa proie lui échappait. Deux autres Spitfires dégringolant en ciseau, étaient en train de l’achever. Tout en pestant contre les intrus qui le frustraient de sa victoire, il s’émerveillait de la vitesse prodigieuse des événements. Ce n’était pas un sport où l’on pouvait se permettre de lambiner.

Mettant le cap au nord-ouest pour essayer de rejoindre sa formation, il retrouva le destroyer toujours au même endroit. Mais peut-être le navire est-il endommagé ? Il amorça une spirale descendante pour s’en rendre compte. Les hommes du destroyer ne semblaient nullement affectés par leur mésaventure ; ils lui adressaient ce qu’il prenait pour des signaux lumineux, jusqu’au moment où, voyant de minuscules taches noires passer devant lui, il se rendit compte de son erreur. Les « signaux » étaient les lueurs de départ d’une pièce de D.C.A. à tir rapide. A cette époque, les gars de la marine tiraient d’abord et ne vérifiaient l’identité des appareils que par la suite. Bader s’empressa de déguerpir.

Le 4 juin, il fit partie de la dernière patrouille envoyée sur Dunkerque. La plage était déserte, et les ruines de la ville finissaient de crouler sous leur linceul de fumée. Seul dans le port encombré d’épaves, un petit yacht au moteur poussif se dirigeait vers la haute mer. Le dernier bateau à quitter Dunkerque…

15 Janvier 1940, à Vincennes, je suis introduit auprès de Général : 

Le "Gouvernement" a décidé d'intervenir en Finlande, une brigade sera mise sur pied dans ce dessein, c'est vous qui l'organisez et la commanderez."

Ainsi naquit la "Brigade de Haute Montagne" transformée plus tard en Première Division légère de Chasseurs, dont l'Etat-Major devait etre appelé à diriger les opérations confiées dans la région de Narvik au Corps Expéditionnaire franco-polonais. 

Nos soldats ont écrit à NARVIK l'histoire d'une épopée dont le nom, à la fois dur comme le fer, clair comme la gloire, et mystérieux comme le grand Nord, Narvik, devait jaillir comme lueur de joie et de confiance aux jours sombres de Mai 1940 et laisser au coeur des 10.000 garçons qui l'ont vécue un souvenir prestigieux. 

C'était aussi un objet de fierté nationale. C'était donc une raison d'espérer. 

C'était aussi l'épopée héroique de quelques milliers de Français qui, partis sur mer à des centaines de kilomètres, jetés sur des cotes enneigées au nord du cercle polaire, avaient su y combattre et y vaincre et dans quelles conditions. 

Un ennemi, coupé certes de ses communications maritimes, mais renforcé de tout le matériel pris par lui dans les dépots de l'armée norvégienne, soutenu et ravitaillé par une puissante aviation et qui portait bientot ses effectifs à 10 bataillons contre les 9 du Corps Expéditionnaire franco-polonais et les Bataillons norvégiens du Général Fleischer. 

Un terrain extraordinairement difficile, fait de montagnes abruptes, rocheuses, découpées par des fjords profonds, couvert jusqu'à la mer d'une neige fondant rapidement, transformant en cloaques chemins et vallées. 

Un climat rude, au ciel sans nuits, ces nuits tant attendues ailleurs pour échapper aux coups de l'aviation. 

C'est dans ces conditions que, après des combats très durs et menés en pleine neige, par les 6ème, 12ème, et 14ème Bataillons de Chasseurs, la 13ème Demi-Brigade de Légion Etrangère, transportée et magnifiquement appuyée par la marine royale britanique, réussissait, le 13 Mai, à BJERKVIK, le premier débarquement de vive force de cette guerre. 

Un débarquement de vive force, face à la puissance des armes modernes, beaucoup, Français ou Alliés, n'y croyaient pas et pourtant, celui de BJERKVIK fut un magnifique succès. 

Qui sait si ce " précédent" n'a pas incité les Etats Majors Alliés à développer l'étude des procédés et des matériels spéciaux grace auxquels, finalement, la guerre a été gagnée. 

Ce dont je suis certain, par contre, c'est que bien des hommes, au récit de cet exploit se sont laissés gagner par l'espoir d'autres débarquements. 

Treize jours après BJERKIVIK, l'amiral lord Cork and Orrery, Commandant en Chef, et le Général Auchinleck me communiquaient l'ordre d'évacuation de la Norvège, rendue nécessaire par les graves événements de France. 

Narvik était étroitement enserrée. L'attaque était prévue pour le 28. Embarquer sous les yeux de l'ennemi installé à NARVIK, à cette époque sans nuit, du soleil de minuit, c'était courir le risque certain de voir nos troupes, nos plages d'embarquement, nos bateaux assaillis par toute l'aviation allemande ; c'était aller au-devant des pires catastrophes.

  • Dans ces conditions, Général, maintenez-vous votre attaque du 28 ?
  • Oui, Amiral
  • Général, je vous appuierai. 

Nous avons attaqué et pris NARVIK avec l'ordre d'évacuation en poche, puis, tout en commençant l'évacuation, nous avons poursuivi l'ennemi et nous l'avons laissé, acculé à la frontière suédoise, dans une situation d'ou il ne voyait plus rien, qui ne lui laissait plus d'espoir. Après quoi, sans qu'il s'en aperçut, nous sommes partis, emmenant avec nous, en Angleterre, tous nos blessés et plus de trois cents prisonniers. 

Au cours de ces opérations, nous avions infligé à l'ennemi des pertes infiniment plus fortes que les notres et lui avions pris 150 mitrailleuses, 10 canons et 8 avions. 

Aussi, dans les jours sombres qui ont suivi, le nom de NARVIK devenait-il un symbole, celui de la vaillance française, la preuve que l'armée, écrasée en France, par le nombre et le matériel n'avait pourtant pas dégénéré, et, qu'à égalité, elle savait encore vaincre. 

 Dans le désastre du moment, c'était une lueur d'espoir, l'assurance de la victoire future. 

La France a laissé sous la terre norvégienne, 250 des siens. Depuis, les anciens de Narvik ont jalonné de leur sang les étapes de la Libération : campagnes de la France Libre EL ALAMEIN BIR-HAKEIM, campagnes de TUNISIE, d'ITALIE, de FRANCE et d'ALLEMAGNE, combats obscurs de la Résistance et des maquis ou les vainqueurs de NARVIK se trouvaient tout naturellement attirés. 

Ainsi sont-ils restés fidèles jusqu'au bout, au symbole d'espoir et de victoire que représente, depuis 1940, le nom de leur épopéé. 

" NARVIK " 

M.E BETHOUART.