Comment a-t-on vu le débarquement du 6 Juin 1944 lorsque l’on n’était pas un belligérant ?
Et bien, pourquoi ne pas commencer cette série par le témoignage d‘une mère de famille normande, qui plus est, en charge d’un pensionnat de jeunes-filles et de son personnel.
Je vais donc vous parlé de « Carnet bord des pensionnaires sous les bombes », des jeunes filles dans la bataille de Normandie, JUIN-JUILLET 1944, dans son édition à compte d’auteur de 1949, de Mme Marie. C’est un excellent livre historique qui se lit comme un roman d‘aventure. L’action se déroule dans la Manche à Périer et ses alentours, puis à Gouville et enfin à Agon-coutainville.
Le 6 Juin 1944, le débarquement, et surtout les largages des parachutistes américains sur l’est de la presqu’île du Cotentin :
« Soudain, vers le milieu de la nuit, nous sommes réveillés en sursaut par des vrombissements formidables de moteurs géants … Tout tremblent autour de nous…
« Allons-nous être bombardés? »… Les avions passent si bas, le vrombissement de leurs moteurs est si fort, et il semble si près…
Tandis que cette armée d’avions déferle dans un ronflement terrifiant, vague après vague, sans relâche, sans trêve, tout à coup, un roulement de tonnerre sans précédent emplit l’espace.
C’est la voix formidable des canons tirant tous ensemble du côté de Carentan.
C’est un bombardement monstrueux, fantastiques, prodigieux. …
Cela dépasse l’entendement. Les mots manqueront toujours pour dépeindre ce grondement, ce roulement, ce tonnerre.
Et toujours au-dessus de nos têtes le vrombissement ininterrompu des puissants moteurs d’avions volant bas et tirant et peinant…
« C’est le débarquement »
J’éprouve une grande joie, la joie de la « libération » prochaine… »
Le 7 Juin 1944, nouvelles effrayantes, quelques exemples :
- des bombardements des villes voisines : « Coutances à 16 km de Periers, bombardée, la gare incendiée, la cathédrale est debout mais la ville en feu … Nombreuses victimes… Le bourg de Lessay, 10 km de Periers, vient d’être bombardé et les maisons brûlent ».
- des attaques de la circulation : Sur la route de Monsurvent à Periers, Mme Leforestier, venue récupérer sa fille, raconte : « Le convoi allemand ! Les avions ! Ah ! Les avions ! Ah ! La mitraille ! Ah ! … Oui, ma pauvre demoiselle, j’ai été deux heures couchée dans un fossé, sous un Boche! ». … Confirmation par Mme Marie de l’intensité de l’activité aérienne d’interdiction : « les avions mitraillent sans cesse les véhicules allemands circulent sur la route de Valognes. Ce ne sont que décharges de mitrailleuses. »
Le 8 Juin 1944 : premières alertesaérinnes sans gravité (7h15 puis 8h30) mais à la troisième alerte, il est 9h00 :
« Les 27 pensionnaires qui restent (sur les 80 du 6 Juin) se précipitent une fois de plus dans la cave, le moral est intact…. Les bombardiers s’élancent tous ensemble à l’assaut de la ville avec un long sifflement puissant et lugubre de sirène mugissante qui s’enfle de plus en plus à mesure qu’ils s’approchent, qui terrorise les gens et se prolonge par des tonnerres d’éclatements de bombes, des tremblements de terre, des fracas épouvantables, des souffles furieux de tempête…, des cris dans la cave. »… Une brève accalmie… Les avions reviennent…Un deuxième bombardement aussi terrible que le premier. « Est-ce pour nous cette fois? » Nous écoutons. Nous attendons dans un silence impressionnant… Minutes tragiques, inoubliables…
Et le guetteur :… « j’ai vu les bombes, grosses comme des cigares, se détacher des 16 bombardiers… »
Puis ce sera le décompte des morts, des maisons détruites … avant d’autres bombardements encore durant les jours et semaines suivantes…
La bataille de Normandie commence, elle durera 3 mois, 3 mois de violents combats avec un appui aérien sans faille des troupes au sol alliées. Mais que de misères pour les populations civiles prises dans ces combats !