La mission de la "Grande Reconnaissance"?
Eclairer l'Etat-Major des mouvements en profondeur de l'ennemi par une reconnaissance aérienne faite soit à basse altitude, soit à haute altitude en fonction des informations recherchées.
En 1939, une escadrille de grande reconnaissance française se compose de 12 équipages de 3 hommes, d'un observateur (poste le plus important), d'un pilote et d'un mitrailleur. Leur avion est le bimoteur Potez 63 équipé de moteurs de 1100 chevaux.
Alors comment prépare-t-on ce type de mission?
- Tout démarre toujours par un coup de fil de la division aérienne ordonnant la mission, l'équipage dont c'est "le tour" est appelé.
- Le chef d'escadrille trace une première route sur la carte avec du fil de laine rouge, tous les pilotes sont là, ils indiquent les points à éviter du fait de la densité de la Flack. Tous les équipages entourent de leurs conseils et avis les "désignés", c'est leur "pierre à l'édifice fragile des chance des camarades qui vont partir".
- "Silencieux, le pilote et l'observateur désignés, étudient calmement les objectifs de la mission et les dossiers de renseignements, mesurent les distances, inscrivent les caps,comptent les temps, couvrent de planchettes de chiffres, puis, soudain, plus attentifs encore, s'imprègnent mentalement de l'itinéraire et des repaires à ne pas louper".
- "Dans le bureau de la météo, retentissant de sonneries téléphoniques, les hommes rassemblent tous les renseignements sur le temps que l'avion doit, en principe, rencontrer sur son parcour de 800 km..."
- "Dans un autre baraquement, les sous-officiers armuriers et le mitrailleur de l'avion ... préparent les armes et garnissent de balles bien calibrées les tambours des mitrailleuses". (Nota : armement variable en fonction des avions, certains sont en effet équipés d'un canon-mitrailleur).
- "Sur le terrain, le sous-officier de service et ses mécanos sortent l'avion de son repaire creusé dans la terre, découvrent les branchages... Puis les housses des moteurs sont enlevées..."
- "Alors les gars de la mécanique, soucieux, le front ridé, silencieux, conscients de leur terrible responsabilité, vérifient patiemment le moindre organe, le moindre détail des moteurs... Ils savent que là-haut, tout à l'heure, à 9 ou 10 000 mètres... le moindre pépin mécanique, cela veut dire le demi-tour avec la mission inachevée, la catastrophe, peut-être la mort des camarades de l'équipage."
- Les moteurs tournent bien, ils peuvent monter les bouteilles d'oxygène.POTEZ 63.11 - AVION DE RECONNAISSANCE
- "Pendant ce temps dans le bureau du PC, des soldats préparent l'invraisemblable harnachement de l'équipage : les sous-vêtements en laines puis les équipements chauffants : pantalon, veste, serre-tête, chaussons, gants et cagoules traversés d'un réseau électrique et émaillés de prises de courant, puis la lourde combinaison calorifuge, puis enfin le micro pour communiquer à bord, le masque inhalatoire pour l'oxygène, le relais de poitrine, enfin le parachute suprême chance de salut".
- Il faut une demi-heure pour harnacher les 3 hommes, pour relier entre eux les fils électriques, pour disposer les tuyaux souples qui couvrent leur corps. Une fois équipé, chacun s'accroupit, se relève, s'assoit, étire une jambe, lève le bras... Allons! Tout est en place : pas de crainte qu'un vêtement trop serré arrête la circulation sanguine avec la dilatation du corps en altitude, pas de crainte qu'une prise de courant mal fixée entraine le gel d'un membre".
Puis c'est le grand terrain d'aviation quasi-désert, seul leur avion est là, face au vent. Pour se hisser à bord et s'installer, ils ont évidemment besoin d'aide. "Maintenant au moins, ils sentent leur avion, ils sont chez eux, dans leur élément".
Extrait de carnets de patrouilles de Roland Tessier, édition Baudiniere, Décembre 1942.