Le siège de Caen vécu par la famille Bauduin réfugiée à l’hôpital ex- Kriegslazarett, période du 9 juin au 14juillet 1944, souvenirs d’un enfant de 14 ans
Après avoir traversé à pied, avec notre maigre bagage, la ville détruite et en flammes, passant devant les églises en ruines, nous sommes arrivés à l’hôpital qui allait devenir notre refuge durant le siège de Caen.
L’hôpital civil avait été évacué sauf les contagieux et les intransportables. Le Kriegslazarett (l’hôpital militaire allemand) avait aussi été évacué.
C’est dans ce dernier local, très sécurisé, en sous sol que nous, une vingtaine de personnes, allions attendre notre libération. Il nous a fallu d’abord nettoyer le lieu dans le quel subsistaient, notamment, des membres humains découpés quelques jours avant par les chirurgiens militaires.
Un puits, situé dans la cour de l’Hospice et une moto pompe avaient été mise en œuvre pour donner de l’eau à tout le quartier. Un cheval et une tonne à eau assuraient la distribution. J’ai quelque fois conduit ce cheval et quand les obus tombaient trop près il partait tout seul vers son écurie !
Entre deux bombardements ou salves d’obus, nous jouions dans les jardins. Nous allions aussi dans les champs avoisinants pour repérer des vaches qui pourraient être capturées par des adultes, abattues et débitées sur place entres deux arbres pour donner de la viande aux personnes présentes. (le ravitaillement était organisé et assuré par la Défense Passive)
Le front n’était pas loin. Nous entendions les rafales d’armes automatiques ...
et nous observions des combats aériens. J’ai même vu des dirigeables. Je saurai plus tard qu’ils s’étaient détachés des bateaux du débarquement qu’ils étaient sensés protéger des attaques aériennes.
Les croix rouges peintes sur les toits nous ont sans doute protégés des attaques directes mais le port sur l’Orne et sa zone industrielle étant tout près, des bombes et obus s’égaraient quelques fois…
Ce mois de Juillet 1944, ainsi confinés et dans la crainte du pire, fut pénible à vivre !
Notre père attaché à la Défense Passive, (en charge du déblaiement des ruines, de la recherche des victimes et des inhumations), nous donnait des nouvelles de notre maison.
Le matin du 9 juillet, nous avons vu arriver une Jeep qui portait un blessé et qui cherchait un médecin. Il n’y en avait évidemment pas. Un peu plus tard, ce furent des fantassins écossais et c’est alors seulement que nous nous sommes rendu compte que nous étions libérés. Ce fut la fête !
Malheureusement pas très longtemps car à peine les anglais arrivés, ce furent les obus allemands tirés des collines d’en face, celles de Mondeville qui nous rappelèrent que la guerre était toujours là. (Plus de 2000 caennais périrent durant les combats).
Le 14 juillet, nos parents décident de nous envoyer à la campagne à l’abri des combats.
Nous serons accueillis dans une ferme à Secqueville en Bessin. C’est là que, très intéressé, nous découvrirons ce qu’était réellement le Débarquement !