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L’une des opérations de la 617eme escadrille de bombardement de la Royal Air Force, 5eme division aérienne, spécialisée en bombardement « stratégique » par leur impact sur le déroulement de la guerre et de « précision » par leur méthode :

La « 617eme » était constituée des meilleurs équipages de bombardement possibles car ils ne l’intégraient que sur sélection et qu’à l’issue de leur « tour d’opérations », soit avoir survécus à 30 missions de bombardement de guerre… Ce sont eux d’ailleurs eux qui attaquèrent les 3 barrages hydro-électriques de la Ruhr et privèrent ainsi d’électricité l’industrie de guerre allemande en 1944.

Leur méthode de bombardement de nuit et les bonnes spéciales (et très couteuses) employées nécessitaient pour pleinement réussir leur mission de destruction de réaliser un marquage de la cible avec des bombes incendiaires ou des « marqueurs lumineux rouge et vert », bombes lancées d’un Lancaster, ou plus tard d’un Mosquito, en piquet. L’objectif devait donc être intéressant et ne devait pas être trop fortement défendu sinon l’équipage en charge du marquage n’avait qu’une chance sur cent de s’en sortir.

Extraits de « les Briseurs de barrages » de Paul Brickhill :

« L’objectif de la mission proposé était l’usine Gnome et Rhône de Limoges, réquisitionnée par les Allemands et qui fabriquait des moteurs d’avion. Cependant, cette proposition transmise au Cabinet de Guerre, provoqua des protestations immédiates. D’une part, l’usine était entourée de maisons d’habitation, de l’autre, l’équipe de nuit comprenait 300 Françaises. Or, Churchill voulait éviter dans toute la mesure du possible, que des bombes britanniques fissent des victimes dans la population française, le commandant la 617eme, Cheshire, fut obligé de donner des apaisements détaillés. En ce qui concernait les maisons d’habitation, il donna au Cabinet la garantie formelle que toutes les bombes tomberaient sur l’usine même. Pour protéger les ouvrières, il proposa d’effectuer plusieurs passages au-dessus des bâtiments, avant le début de l’attaque afin de donner à tout le monde le temps de se mettre à l’abri.

Grâce à l’appui du général de la 5eme division, Cochrane, il put arracher à Whitehall l’autorisation d’entreprendre le raid avec cette restriction que, si un seul français était tué, le groupe (de bombardement) ne se promènerait plus qu’au-dessus de l’Allemagne.

  • « En somme, résuma Cochrane en annonçant la nouvelle à Cheshire, le 617eme groupe joue son avenir sur cette carte. Le moindre pépin, et on n’entendra plus parler de nous. En tout cas pas en France, ni en Belgique ; quant à l’Allemagne, je ne vous permettrai sûrement pas de faire les idiots dans les feux de barrage (de DCA) de la Ruhr. »

Le raid, exécuté par douze appareils, se déroula avec la précision d’un mouvement d’horlogerie. Ils atteignirent Limoges juste avant minuit (le 8 février 1944), par un magnifique clair de lune. La ville ne devait guère s’attendre à leur visite, car le black-out était pour ainsi dire inexistant. Partout, brillaient des lumières, et dans l’usine, les ateliers étaient éclairés comme en temps de paix. Kelly, le bombardier de Cheshire, se lança dans un long discours sur les bistrots et les petites Françaises qui, affirmait-il, étaient bien plus agréables que le mess et les W.A.A.C. de la RAF.

Laissant les autres appareils décrire leur carrousel monotone, Cheshire piqua et passa à une trentaine de mètres au-dessus de l’usine. Comme il redressait et amorçait sa montée, il vit les lumières s’éteindre les unes après les autres. A son second passage, son bombardier distingua des ombres qui couraient dans les allées entre les bâtiments. Cheshire piqua une troisième fois, puis à sa quatrième descente, il redressa qu’à vingt mètres du sol, au ras des toits. Partant du point extrême de la courbe décrite par son appareil, une gerbe d’incendiaire tomba et s’épanouit exactement au centre de l’usine. Aussitôt, Martin, piquant à son tour, planta deux « feux de position » devant le bâtiment principal. L’attaque allait commencer.

A « zéro plus une » (minuit une minute le 9 février 1944), Shannon, volant à 3.300 mètres, largua sa bombe de 6 tonnes. Elle arriva au milieu des incendiaires, substituant à leur scintillement de braises un geyser de flammes. Au cours des huit minutes suivantes, neuf bombes frappèrent de plein fouet les ateliers, la dixième tomba derrière l’usine dans la rivière. A « zéro plus dix-huit », le dernier appareil, celui de Ross, plaça sa bombe dans l’entonnoir creusé par celle de Shannon.

Ils repartirent tranquillement, laissant derrière eux une mer de flammes surmontée d’un mur de fumée. Les deux mitrailleuses anti-aériennes qui constituaient toute la défense de la ville n’avaient même pas atteint l’appareil de Cheshire.

Le lendemain, les photographies prises par l’avion de reconnaissance montraient que, sur les quarante-huit ateliers de l’usine, vingt-cinq étaient rasés, et les autres réduits à l’état de carcasses vides. Jamais encore, un objectif n’avait été aussi complètement détruit. La méthode mise au point par Cheshire et Martin, s’était révélée excellente, tout au moins sur des objectifs faiblement défendus. Cochrane exultait. On allait pouvoir faire du bon travail.

Un peu plus tard, un message émouvant, envoyé de Limoges, parvint en Angleterre. Les ouvrières de Gnome-Rhône exprimaient à la R.A.F. leur gratitude pour l’avertissement donné avant le début de l’attaque, et l’espoir de fêter les équipages après la Libération. »

 

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